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En toute logique…

Certains font de la logique le critère absolu de la vérité. D’autres s’en méfient à juste titre : rien ou si peu, dans le comportement des hommes, obéit à la logique, et supposer que les événements se conformeront à ce qu’on peut en attendre « logiquement » est le moyen le plus sûr de se fourvoyer. En fait, compte tenu de ce que l’on peut observer du comportement humain et de l’ensemble des événements afférents à la sphère humaine, il est totalement illogique d’attendre que nos déductions logiques soient génériquement justes.

Pourtant la logique elle-même n’est nullement en cause. Le problème vient toujours des prémisses (des axiomes, diraient les mathématiciens). Toute déduction logique part d’un présupposé – ou d’un ensemble de présupposés –, qui peut être juste… ou non ! S’il est juste, la déduction est correcte. S’il est faux, ou simplement incomplet, la déduction peut être juste ou fausse : c’est imprédictible !

Si les données sont incomplètes et insuffisantes, la logique peut toujours s’appliquer et demeurer valable en elle-même, mais elle ne constitue pas un critère de vérité.

Or la complexité du monde est telle que nous n’avons jamais accès qu’à des données incomplètes, et nous avons donc développé une certaine aptitude à inférer des « vérités probables » ou potentielles, à partir d’informations limitées. Cette aptitude est précieuse et même indispensable, car si nous exigions de disposer de l’ensemble des tenants et des aboutissants pour prendre la moindre décision, effectuer le moindre choix, accomplir la moindre action, nous serions inévitablement et à jamais condamnés à l’inactivité et à l’immobilisme – y compris en pensée !

Les conditions de notre existence impliquent donc que nous travaillions à partir de données incomplètes, et cette nécessité est sans doute l’habitude la plus commune du fonctionnement cognitif humain. Mais il serait pour le moins hasardeux d’imaginer que la nécessité–même de ce fonctionnement nous exonère de plein droit de ses conséquences fâcheuses. Si l’on me donne un objet de 200 kilos à tenir dans mes bras, le fait que je sois obligé de finir par le lâcher n’empêchera pas qu’il tombera bel et bien dès que j’aurai cessé de retenir sa chute !

Il ne s’agit donc de blâmer ni la logique, ni l’incomplétude des prémisses, mais plutôt de mettre fin à la supposition implicite que nous en savons assez sur les conditions d’une expérience pour inférer en toute logique la nécessité de ses résultats.

Car la complexité du monde est également telle que des situations apparemment semblables peuvent être en réalité très différentes du point de vue d’une inférence particulière. Si je lâche finalement cette grosse masse que je tenais dans mes bras, il se peut aussi qu’elle n’atteigne pas le sol – par exemple si elle est en fer et qu’un aimant puissant se trouve disposé sous le sol. « Information incomplète, déduction incertaine. »

Pour parvenir à évoluer dans un environnement inaccessible à la connaissance exhaustive, nous avons l’habitude de travailler à partir de probabilités. Compte tenu des informations que l’on a et de notre expérience, il est fortement probable que telle action produise tel résultat, ou qu’untel se comporte de telle façon – c’est-à-dire à moins que n’intervienne quelque chose d’inattendu et dont je n’ai pas connaissance, ou quelque chose de rare, que je n’ai pas encore rencontré, ou dont l’expérience ne m’est pas familière.

Pour ne pas être trahis, et parfois lourdement affectés par l’inexactitude occasionnelle de ces inférences probables, il convient à la fois d’élargir le champ de nos expériences et d’affiner notre perception des conditions susceptibles d’influer sur les situations (en un mot d’accroître notre connaissance), mais aussi parallèlement de prendre conscience des limitations qui leur sont inhérentes.

L’erreur consiste naturellement, partant de la répétition et de l’usage abusif du raisonnement, à ériger le probable en certain, et l’improbable en impossible. Cette remarque de Sherlock Holmes au cher Docteur Watson, qui venait d’éliminer une à une toutes les possibilités logiques relatives à une mystérieuse affaire, est éloquente : « lorsque tous les possibles ont été réfutés, l’impossible devient probable » !

Logiquement perplexe,

ET

Le feu des cimes

[22 avril 2007, Malargüe, Provincia de Mendoza, Argentina]

Extase céleste

Parfois, au soir comblé de vérités infuses, la force vive et sûre des paysages andins explose en saisissants hommages à la majesté.

Vibrant des milliers de ruisseaux, torrents, rios alimentés par l’aube et nourris au cristal de leurs flancs enneigés, les Andes ressuscitent un langage secret, précieux par son intimité magique, et, reflétant aux cieux des ors insoupçonnés, emplissent de puissance la sérénité.

Et les arbres s’embrasent, et l’on en voit les flammes exhausser la matière sans la consumer. Extase ! Telle est l’extase en vérité : un feu dans l’âme inoffensif au corps, un peu de Ciel mystique aux cieux astronomiques… Nonobstant la matière – le tronc, le bois, hulê ! –, un buisson ardent ! (Ô, sceau des déités humaines !)

Ô soir immense, jouvence, sommité !
Nous avons bu ton ciel et ta présence
Et nous y sommes inclinés

Tant de questions s’évanouissent en ces rivières de clarté.

Ce soir, après maints débats engourdis entre physiciens, ici, en Argentine, où nous tentons d’interpréter les messages transmis par les « rayons cosmiques ultra-énergétiques » dont nous détectons les effets dans le ciel translucide de la Pampa Amarilla, il apparaît clairement que la “précision scientifique” auto-référente est un obstacle à la pensée.

Et à la Vie !

On ne devrait jamais répondre avec précision aux questions posées de manière imprécise. Leur richesse réside si souvent dans cette imprécision même : gardons-nous de les appauvrir !

ET

Le virtuel prend corps

Le web traditionnel, c’est terminé !

C’est du moins ma conviction, après avoir exploré quelque peu les possibilités de l’univers virtuel de Second Life. La révolution de ce qu’on pourrait appeler le « virtuel spatialement organisé » est inéluctable. Ses conditions d’émergence sont déjà réunies : l’accès à un monde véritablement tridimensionnel, largement configurable et dans lequel la création d’objets, de paysages et d’animations est d’une simplicité qui ne peut d’ailleurs qu’aller en augmentant ; et bien évidemment la capacité de s’y mouvoir à sa guise et d’ajuster son point de vue pour privilégier tantôt une vue d’ensemble, tantôt une vue rapprochée sur un élément particulier, pour l’observer, le jauger, le lire – tout cela de manière continue, fluide, à volonté…

Oui, on peut aussi « lire » au sens propre, et c’est cela qui fait que le web traditionnel est en réalité déjà inclus (du moins en principe) dans un univers virtuel tel que Second Life (SL pour les intimes – Deuxième Vie pour… je ne sais pas qui). Car parmi les objets 3D construits dans un monde en 3D, rien n’empêche évidemment de faire figurer un « bête » plan (un mur, un écran, une table, une affiche, un tableau, un livre) sur lequel on peut reproduire n’importe quelle image ou écrire n’importe quel texte (même en temps réel). Tout ce que vous trouvez sur n’importe quel site web, quel que soit sa complexité ou son degré d’élaboration, peut donc se retrouver à l’identique, de la manière la plus triviale et la moins créative possible, dans un univers virtuel en 3D.

Mais les possibilités offertes par un tel monde sont bien plus vaste : l’avenir (proche) le démontrera… en le montrant !

Je ne me lancerai donc pas ici dans un argumentaire – à quoi bon perdre du temps dans une entreprise aussi dérisoire : allez donc jeter un coup d’œil dans SL, et vous verrez 😉

L’organisation d’éléments (d’une certaine forme ou d’une certaine nature) dans un espace est le point de départ de toute pensée, de tout raisonnement, de toute transmission/apprentissage. Tous les espaces ne sont pas des espaces géométriques, bien sûr, au sens où les points y sont des lieus, des endroits, entretenant les uns avec les autres des rapports d’un type très particulier (reposant sur la notion de distance), tandis que les « objets » se caractérisent par une étendue, une forme et une orientation. Mais ces espaces géométriques nous sont si familiers que leur utilisation nous est d’emblée extrêmement naturelle, « immédiate ». Et dès lors, la supériorité des espaces tridimensionnels sur les espaces bidimensionnels relève de l’évidence.

Si l’introduction et la maîtrise de la perspective ont joué le rôle que l’on sait dans l’histoire de l’art et de la représentation socio-culturelle de l’espace, c’est bien parce que l’introduction d’une troisième dimension ouvre naturellement toutes sortes de… perspectives, justement ! Mais la perspective dans un tableau, sur une image ou sur un écran, reste au niveau de la 2D : rien ne « sort » de la toile, qui est plane, et les parties cachées des objets le demeureront à jamais. C’est le peintre qui choisit le point de vue : pas très « participatif », tout ça ! 😉

Bref, la capacité d’organisation (ne parle-t-on pas également d’architecture de la pensée ?) des objets/concepts/idées/mots/images dans un espace géométrique, situatif, et la capacité associée de rendre manifeste les rapports que ceux-ci entretiennent entre eux, sont évidemment bien supérieurs dans un espace à 3D que dans un espace bidimensionnel : il ne viendrait à personne l’idée de contester l’intérêt de la 2D – de l’image – par rapport à la 1D toute linéaire, et a fortiori de la 0D – un simple point, où tout est donc superposé et confondu ! (C’est d’ailleurs sans doute la considération du 0D, où rien n’est « distinguable », qui fait le mieux ressortir l’intérêt, voire l’essence de la spatialisation…)

[NB : si la perspective permet d’introduire la profondeur sur un plan bidimensionnel, qu’on y songe un peu : dans un espace 3D, la perspective, ce serait de la 4D… Voilà du nouveau pour la perception, la compréhension et la conscience !]

Mais revenons au web traditionnel – c’est-à-dire le vieux web, celui d’aujourd’hui. Si je considère qu’il sera rapidement dépassé, dans la grande majorité de ses usages, c’est aussi parce que ma courte expérience du monde virtuel de Second Life a suffit à rendre ma navigation sur Internet un peu frustrante, gauche : je voudrais zoomer, changer de point de vue, passer derrière, voir des objets et non des images. Et puis, il ne faut guère plus de quelques minutes d’interaction avec des avatars de SL pour comprendre la puissance incontournable qu’offre la localisation, fût-elle virtuelle. Les avatars, ce sont ces corps virtuels – au sens propre si je puis dire ! – qui ont en effet tous les attributs d’un corps, qui sont animés par votre conscience, votre volonté, bref, qui sont ni plus ni moins ce qu’est votre corps biologique dans ce monde (disons le monde physique ordinaire).

La nouveauté cruciale, la voici. Quand vous surfez sur le web, quand vous « tchatez » avec un ami ou que vous envoyez un courriel, vous êtes dans un monde virtuel qui offre un avantage extraordinaire : une connexion quasi-instantanée entre des éléments d’information et/ou des personnes localisées en des points différents de l’espace ordinaire, d’un bout à l’autre de la planète. Sur le web, les rencontres existent et sont possibles indépendamment de la position géographique des interlocuteurs ou des serveurs informatiques hébergeant les données informatiques consultées. C’est remarquable, parce que ce monde virtuel – le cyberespace – est délocalisé. Mais justement… il est délocalisé ! Par essence, donc, on perd un élément : la localisation !

Et c’est cela que Second Life (ou d’autres mondes de ce type) corrige, réalisant une localisation délocalisée, offrant les avantages de la délocalisation physique (l’essence du vieux web), mais permettant la spatialisation des interactions. Car en plus d’offrir un environnement 3D utile pour l’organisation des informations et la manipulation d’objets de type familier (mais pouvant remplir des fonctions très diverses), SL offre une localisation effective. Virtuelle, mais… si j’ose dire… bien réelle !

Une discussion dans Second Life est ainsi toujours associée à un lieu : vous êtes à la montagne, ou bien à la mer, le Soleil se couche, il fait nuit, au moment où votre interlocuteur vous dit telle chose, un oiseau passe, une vague se brise sur le rivage. Vous pouvez être en conversation avec une amie à 7 000 km de vous, mais vous êtes là, bel et bien, dans un même « lieu ». Dire que ce lieu est virtuel n’a pratiquement aucun sens, d’ailleurs : tous les lieux ne le sont-ils pas, au fond ? Plus tard, en repensant à votre conversation, vous vous souvenez de l’ambiance, de la lumière, de tel événement survenu indépendamment de vous, le passage d’un goéland, le passage près d’un cyprès agité par le vent… Vous êtes dans un monde. Vous êtes localisé. Et lors de votre prochaine rencontre, vous vous souviendrez de ces éléments du « décor », de ces « scènes », de ces contingences !

Et même si vous ne faites que consulter une « bête page web », le faire dans tel lieu à votre goût plutôt que dans tel autre relève maintenant (ou relèvera très bientôt) de votre choix, de votre « liberté environnementale » en quelque sorte.

Voilà pourquoi la prédiction d’une fin progressive mais rapide du web traditionnel est aisée. Pour le résumer en une image claire, je dirais que l’arrivée de la 3D effective, situative et paysagée dans le cybermonde va supplanter le web traditionnel non situé et bidimensionnel (des pages et des images planes) de la même manière que l’interface graphique de Macintosh avec ses fenêtres et ses icônes géométriquement situées dans un plan a relayé l’interface à ligne de commande unidimensionnelle.

Bien sûr, il y a et il y aura toujours des gens utilisant les lignes de commande, qui sont mieux adaptées pour certaines opérations techniques bien spécifiques. Mais cet usage est très limité en pratique et en étendue (il est même probable que certains lecteurs de ce blog ne sachent pas de quoi il s’agit !), et il ne fait pas le moindre doute que la révolution de l’Internet n’aurait jamais eu lieu si les ordinateurs domestiques utilisaient les lignes de commande. Je vous laisse donc extrapoler à la dimension supérieure…

Tiens, ne viens-je pas d’utiliser une expression éloquente ? « Avoir lieu »… Si « avoir un lieu » a pris la signification de « se produire », « exister réellement », ce n’est assurément pas un hasard !

Alors, à bientôt dans Second Life : le virtuel prend corps, ne restez pas sans avatar !

Tenez, d’ailleurs, qu’est-ce qu’un corps ?
Très bonne question ! Mais on en parlera une autre fois… 😉

ET

PS : Les Humains Associés viennent d’ouvrir leur île dans SL : « l’Ile Verte », une merveille ! Lieu de paix, forum humaniste, scientifique, poétique, culturel, humanitaire, bref, tout « Les Humains Associés » spatialisé dans l’u-topie de leur vision intemporelle…

Cinq choses que vous ignorez (à mon propos)…

Paix, lumière, beauté, joie, vie, santé, amour !

Excellente année à tous !

Ce billet est une réponse à l’invitation de la femme aux semelles de vent, qui m’a “taggué” pour un “petit jeu social” qui consiste à dévoiler (oh oh !) cinq informations inédites ou insolites (sur soi-même), et à relancer la chaîne en tagguant cinq autres personnes… habitant la blogosphère naturellement ! 😉

La femme aux semelles de vent disait : “Pour commencer l’année, un peu d’esprit ludique dans un monde trop sérieux…”. Comme en dépit du point 1) ci-dessous (ou bien précisément pour cette raison !) je ne saurais me soustraire à la moindre de ses invitations, voici :

1) J’ai une fâcheuse tendance à ternir d’un esprit trop sérieux un monde pourtant ludique…
[Il paraît que ça se soigne… l’esprit sérieux, pas le monde ludique ! Elfes et fées, fleurs à clochettes : “au secours !”.]

2) Au temps où j’étais chanteur de reggae, je bénissais la surdité avancée de ma voisine !
[You’re running and you’re running and you’re running away, But you can’t run away from yourself!]

3) À l’oral de Polytechnique, avec des babouches que j’avais repeintes en vert/jaune/rouge et un pantalon fait maison (vive le Marché Saint-Pierre !), je me suis fait sortir au beau milieu de la colle pour un motif sans appel : erreur dans le développement limité de sin x !
[Ouf ! J’ai évité l’armée…]

4) Je crois aux miracles !
[Pour de vrai !]

5) Mon esprit est assez embrouillé. En fait, je ne suis pas tout à fait sûr de venir d’Orion. Peut-être est-ce en réalité de Sirius, ou encore de Canopus…
[Bon, bah alors, je continue les recherches…]

Salutations distinguées à la f.a.s.d.v. !

Je taggue à mon tour Les Humains Associés, Philippe Quéau (Metaxu), Jean-Jacques Dorio (poésie mode d’emploi), Albert Palma (les gens de geste), Alain Juppé !

ET

Corot, autres planètes et nouveaux mondes…

Ça y est, le télescope spatial « Corot » vient d’être lancé, apparemment avec succès ! Depuis son orbite polaire, il devrait recueillir diverses informations au cours des trois années à venir, permettant d’étudier la sismologie des étoiles (c’est-à-dire leurs modes de vibration interne, porteurs d’information sur leur structure physique, température, densité, vitesse du son locale du centre à la surface…) et de détecter un grand nombre de planètes orbitant autour d’étoiles situées à des dizaines d’années-lumière du Soleil, y compris des planètes telluriques, c’est-à-dire solides, composées non pas de gaz, mais de roches, comme Mercure, Vénus, Mars ou… la Terre !

Si l’existence de ces autres mondes fascinent, c’est au moins en partie parce qu’elle est reliée à la question : « sommes-nous seuls dans l’univers ? ». Même si cette question est en réalité mal posée ! Ou plutôt, la manière dont elle est posée présuppose une certaine conception de « ce qui est ». Quand on se demande si nous sommes seuls dans l’univers, qu’entend-on par « nous », par « seuls », et par « univers » ? Et que veut dire le verbe « être » ? Rien de tout cela ne va de soi, loin s’en faut ! Je ne me risquerai pas ici à approfondir ces questions, mais sans doute n’est-il pas inutile de réaliser, aussi souvent et aussi sincèrement que possible, que la nature et la définition de ces notions (même au niveau strictement cognitif) nous échappe en grande partie. [NB : Si vous avez des précisions à ce sujet, je suis preneur !]

Pour la plupart des scientifiques à l’origine de la mission Corot, je présume que la question « sommes-nous seuls dans l’univers ? » (si tant est qu’ils se la posent) signifierait essentiellement : existe-t-il, sur d’autres planètes orbitant autour d’autres étoiles, des entités biologiques complexes à support matériel carboné (ou autre ?), automobiles, vivantes (au sens de la réplication ?), douées de conscience (euh, c’est quoi, au fait ?) et capables de communiquer entre elles.

Pour ma part, je dirais que la notion d’univers elle-même est mal définie, ou mal cernée. Ne peut-on pas parler d’univers mental, d’univers conscientiel, d’univers archétypal, autant que d’univers matériel ? Si nous voyageons en rêve vers une planète habitée, avec des « gens » qui nous parlent, nous instruisent sur leur vie, leur pensée, nous chantent des chansons ou nous lisent des poèmes (si, si, ça arrive ! 😉 ), cela ne signifie-t-il pas que nous ne sommes effectivement pas seuls ? Quelle différence cela fait-il qu’un univers soit « matériel » ou non ? Et avons-nous un quelconque moyen de caractériser la matérialité d’un monde ? Il faudrait déjà savoir ce qu’est la matière, et quel est son lien, justement, avec les univers mental et conscientiel (par exemple). Or – en mauvais physicien ou en bon physicien, c’est selon… 😉 – j’ignore comment définir la matière, et j’oserais dire que la Physique l’ignore tout autant ! La quête se poursuit…

Bref, je voulais juste saisir l’occasion de ce lancement du télescope Corot pour saluer les habitants de tous les mondes, réels, virtuels, oniriques, imaginaires, intérieurs, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, où qu’ils ne soient pas. Espérons qu’ils ne soient pas seuls, car cela voudrait dire que nous-mêmes ne sommes pas ! Au fait, sommes-nous ? Sommes-nous conscients d’être ? Sommes-nous ce que nous croyons être ?

Ce qui est inquiétant, voire terrifiant – et cela questionne profondément notre identité humaine –, c’est que certains Hommes puissent se sentir seuls ici-même, sur Terre, au milieu d’autres Hommes ! Dès lors, à quoi bon chercher d’autres mondes ? Serait-ce pour mieux nous trouver nous-mêmes ? Ou pour mieux nous fuir ? Car la fuite dans le virtuel semble de plus en plus le lot commun de l’humanité ?

La femme aux semelles de vent vient de m’envoyer un lien où l’on peut lire :

« Il existe aujourd’hui une quinzaine d’univers virtuels fréquentés par 20 millions de joueurs qui s’y inventent des vies numériques. Parmi eux, 20 % reconnaissent que ces mondes virtuels sont devenus leur lieu réel de vie et que la terre ne leur sert plus qu’à manger et à dormir. »

On se demande alors : et les autres, ceux qui ne fréquentent pas ces mondes virtuels ? Et nous-mêmes ? Sommes-nous certains de faire autre chose que manger et dormir ? Parvenons-nous à faire vivre nos rêves ? Et n’est-ce pas là, finalement, que s’ancre la réalité ? La vie n’est-elle pas plus réelle lorsque s’y manifestent, dans notre quotidien, dans notre rapport avec les autres, ces valeurs « immatérielles » qui nous donnent souffle et font danser nos âmes ?

Tout de suite après, dans le même article, on lit :

« Au trait d’union de ces mondes [virtuels] et du nôtre se met en place un commerce démentiel. » !

Ceci explique peut-être cela. En cette période de Noël, la consommation est reine, impératrice, dictatrice, encore un peu plus qu’à l’accoutumée … Pour certains, Noël est aussi un rappel à la « Présence ». Quoi que cela signifie pour nous, essayons de ne pas alimenter ce courant de fanatisme anti-religieux qui préfère l’excitation hystérique et superficielle ou la débauche consumériste autodestructrice à toute forme de recueillement sincère et de tendresse humaine. D’ailleurs, la « présence » que nous recherchons dans ces autres mondes qu’on appelle planètes extrasolaires, c’est peut-être tout aussi bien la conscience dépouillée de ses artifices. Et la paix des vides intersidéraux, rien d’autre que celle que nous pressentons au fond de nos âmes, dans l’essence de ce monde que nous aurions tort de tenir pour connu, circonscrit et maîtrisé, comme si l’explorer ne consistait plus qu’à en compléter l’inventaire.

Un nouveau monde, c’est peut-être déjà un nouveau regard sur le monde…

En attendant de vous croiser quelque part dans « Second Life », voici l’image d’une image, en hommage à Jean-Baptiste Camille Corot, paysagiste de la planète Terre :
Jean-Baptiste Camille Corot

À Orphée, par l’éternelle lyre…

Salutations renouvelées aux habitants de tous les mondes (avec une mention spéciales aux Orionautes !),

ET

Crèche céleste, vive, ô berceau de lumière !

Tandis que sommeillent nos âmes
Alourdies par la vanité
D’ardentes vérités se trament

Au fond des espaces voilés
Où s’épaississent les secrets
Stellaires de fécondité

Des flots invisibles de lait
D’immatérielle maternité
Coulent de creusets oubliés

Et dans leurs ondes contenues
Survivent nos rêves émus
Au long des élans égarés

Vois dans la nuit de l’Innocence
Ces autres astres célébrer
L’aube espérée de la Présence

Puisse leur feu d’or nous guider
Jusqu’à l’écrin remémoré
Où comme exalté par l’Éther

S’éveille embrasé de mystère
Dans quelque alcôve insoupçonnée
Le divin enfant de lumière

Quelle merveille, cette crèche céleste au-dessus de laquelle un amas de joyaux stellaires semble convié à une oraison généthliaque, pour le simple plaisir de la lumière… ou davantage ! Guidera-t-il vers ce glorieux berceau de poussière interstellaire les mages royaux dispersés à travers notre galaxie ?

Au cœur de cette crèche inattendue, sculptant de sa propre lumière la nébuleuse qui l’a engendrée, une étoile nouvelle-née rayonne une lumière éternelle.

Qui sait le secret des espaces où le vide se recompose et la matière se sublime en étoiles ? Quelle conscience immaculée investit sa pleine et lumineuse majesté ? Quelle joie la traverse et s’en déverse avec tant de bonté pour rappeler à nos cœurs allégés la magie simple et douce des scintillements oubliés ? Ces scintillements insolites que Noël reviendra toujours éveiller dans nos âmes… émerveillées !

Du moins, espérons-le… 😉

Joyeux Noël à tous, et que dure l’éternité !

ET

Jim Cronin on the fly (Part 1)

Voici – en exclusivité sur ET d’Orion ! 😉 – mon premier « intervidcast » (interview vidéo podcast), dont vous voudrez bien excuser la mise en œuvre assez approximative, et surtout l’anglais déplorable de l’auteur. L’interviewé, en revanche, est indubitablement brillant, à bien des égards ! Pour beaucoup d’entre nous, il est un véritable phare multi-longueur d’ondes…

Physicien hors pair, professeur émérite à l’Université de Chicago, il est mondialement connu pour ses travaux sur la décroissance des kaons et la découverte de la violation de CP en 1964. Bon, d’accord, ça ne vous dit pas grand chose, mais il s’agit d’un travail expérimental et phénoménologique remarquable, d’une grande portée pour la Physique, qui a valu à Jim Cronin de recevoir en 1980 la distinction la plus prestigieuse de la discipline : le fameux prix Nobel !

Depuis, guidé par le chant de sirènes extragalactiques, il se consacre à l’étude des rayons cosmiques les plus énergétiques (j’en dirai peut-être un mot un jour prochain), quête qui l’a conduit à promouvoir avec force et inspiration un projet monumental : l’Observatoire Pierre Auger, dédié à l’étude de ces particules ultra-énergétiques sillonnant l’univers après avoir été accélérées dans des sources encore mystérieuses. Une très belle entreprise, à laquelle j’ai le bonheur de participer, et qui regroupe une vaste communauté de chercheurs et d’institutions scientifiques à travers la planète (pas moins de 16 pays sont impliqués !), autour de ce qui est sans conteste le plus grand instrument scientifique au monde, couvrant 3 000 kilomètres-carrés de surface sur le sol argentin, au pied des Andes, dans la lumineuse pampa amarilla.

En nous rendant justement sur ce site majestueux, il y a une dizaine de jours, nous avons fait escale à l’aéroport de Santiago de Chile, et c’est là, dans les salons de l’Admiral’s Club, que j’ai vidcasté Jim Cronin. Une fois n’est pas coutume, nous n’avons pas parlé de rayons cosmiques, mais… d’amour ! Pourquoi d’amour ? Parce que c’est beau, l’amour, non ? Et puis surtout parce que Jim Cronin – 75 ans depuis quelques semaines – m’avait convié deux jours plus tôt à Chicago… à son mariage ! Eh oui, je vous l’avais bien dit : c’est beau l’amour !

Bon, cela dit, la conversation a rapidement dérivé vers des considérations indéterminées, et finalement vers la physique et la conscience, question évidemment trop vaste et bien trop difficile pour nous ! Mais qui sait, peut-être un jour parviendrons-nous à nous hisser jusqu’à elle, la Physique dût-elle en changer quelque peu (mais ce ne serait pas la première fois !) de perspective…

Hélas ! je n’ai pas pu enregistrer la fin de notre conversation, faute de mémoire sur mon Nokia N90, mais voici, en deux parties (pour cause de changement de zone mémoire !), cet « intervidcast » insolite, quelque part entre deux avions… 😉

[Vous noterez sans doute que la caméra-téléphone tremble parfois dangereusement, et que ma voix, du fait de la proximité du micro, est bien trop sonore par rapport à celle de Jim : désolé (ces propos sont plus intéressants que mes questions) ! J’essaierai de faire mieux la prochaine fois… En ce qui concerne l’anglais et l’accent, en revanche, je crains que cela ne s’améliore pas avant deux ou trois vies !]

Jim Cronin, partie 1 :
[display_podcast]

À tout de suite, pour la partie 2…

ET

Éclipse et apparition : clair d’anneaux sur Saturne !

Ô Gloire Ô Majesté Ô Symphonie de Grâce
Ô chant sacré du Vide, hanté des prodiges de l’astre
Signe, clarté subtile, voix limpide de la Lumière
Illumine de Vérité, dans la poésie de l’espace
Le chœur exalté de l’Éther

C’était il y a un peu plus d’un mois, le 15 septembre 2006. La sonde Cassini, en orbite autour de Saturne, a pris une série de photographies exceptionnelles de la planète géante et de ses anneaux, pour nous présenter cette image époustouflante. Jamais encore on n’avait vu cette toupie de gaz auréolée en pareilles circonstances : comme le révèle subtilement le pourtour étincelant du disque planétaire, nous sommes ici en présence d’une extraordinaire… éclipse de Soleil !

La sonde étant passée dans l’ombre de la planète, à quelque deux millions de kilomètres de sa surface, le Soleil a disparu du ciel l’espace d’une douzaine d’heures. Mais de cette « disparition » (ekleipsis, en grec), surgit l’apparition magique des anneaux en lumière rasante, et plus extraordinairement encore, celle de la face nocturne de Saturne illuminée par la lumière solaire diffusée par ces anneaux mêmes !

C’est ce qu’on pourrait appeler, sans usurper le langage imagé du cosmos : un clair d’anneaux…

On connaissait le clair de Lune, éclat du Soleil réfléchit de nuit sur la Terre par son imposant satellite. On connaissait aussi ce merveilleux clair de Terre, tellement fragile, tellement émouvant, visible aux jours de fine Lune, lorsque la lumière solaire réfléchie par la Terre vient éclairer d’un brun rougeâtre le disque de la nuit lunaire, complétant sobrement dans le ciel indigo crépusculaire le tout premier ou tout dernier croissant sélène. Cette fois, c’est l’obscurité saturnienne qui recule avec élégance devant l’ardeur feutrée de multiples anneaux, s’offrant ainsi à la lumière diffuse d’un Soleil là distant de près d’un milliard et demi de kilomètres.

Mais quelle beauté que ce jeu d’ombre et de lumière, comme la secrète incandescence de l’espace lui-même !

Ô quelle joie silencieuse et infinie se révèle en ce ballet cosmique inattendu !

Diaphane est l’espace. Glorieuse est la bonté du vide.

Et comment ne pas penser aussi, en contemplant cette merveille, à ce vers fulgurant, cette fameuse incantation mystique de Djalal-ud-Din Rumi (merci à la femme aux semelles de vent) : “Ô jour, lève-toi, les atomes dansent !” ?

Puisque « profane » signifie « hors du temple », alors il n’est rien de profane en ce monde : le vide, où la matière s’abreuve et la lumière s’enflamme, le vide où la beauté s’exalte en une grâce vive, le vide est un temple !

Et comme pour saluer discrètement le voyageur émerveillé, une tache à peine perceptible est venue se glisser sur l’image. Ce point de lumière infime, insaisissable, surpiquant légèrement la trame délicate de cette fresque symphonique, et que la perspective a placé sur la gauche de l’image, un peu au-dessus des anneaux les plus brillants et juste à l’intérieur d’un autre anneau plus faible, le voyez-vous ?

C’est la Terre !

E.T.