Des orages radio sur Saturne

On a l’habitude de s’émouvoir de la violence de phénomènes tels que les orages ou les tempêtes. L’impétuosité des flots, la colère des cieux, la fureur des volcans : autant de clichés dans notre paysage mental et notre appréhension de la Nature… Vénération craintive ou terreur affolée, ces phénomènes naturels nous laissent un sentiment d’écrasement et de démesure, une captivation qui est d’abord captivité dans l’horizon de nos références ordinaires.

Ces phénomènes naturels qui nous impressionnent se distinguent avant tout par leur intensité, leur puissance, qui se projette avec outrance dans la gamme limitée de nos sens.

Mais pourquoi faudrait-il que l’intensité soit associée à la colère ou la violence ? Ne pourrait-elle pas célébrer semblablement l’ivresse ? L’extase, la béatitude, l’explosion d’une joie cosmique, l’élan d’un bonheur passionné ?

Il y a deux jours, de passage à l’Observatoire de Meudon, j’appris inopinément l’existence d’un phénomène exceptionnel (ou bien était-il simplement inattendu ?) détecté par la sonde Cassini en orbite autour de Saturne. Du 23 janvier au 1er mars (si mon souvenir est bon), un « orage » gigantesque s’est déchaîné sur une zone de la taille des Etats-Unis, à raison d’à peu près un « éclair » par seconde ! Pendant ces cinq semaines, la détection des impulsions d’ondes radio associées à ce phénomène n’a cessé que lorsque la sonde, entraînée dans son orbite, passait périodiquement (toutes les 10 heures) de l’autre côté de la planète… Il se pourrait même — mais ce n’est pas confirmé — que certaines de ces impulsions aient été détectées depuis la Terre !

Mais le gigantisme est toujours relatif.

La vie des galaxies est marquée quelquefois d’événements fulgurants, nommés « sursauts gamma », par lesquels se trouve émise en quelques secondes une puissance égale à ce que rayonnerait notre Soleil en mille millions de milliards d’années (soit cent millions de fois plus longtemps qu’il n’aura vécu quand s’éteindra dans le silence son généreux feu intérieur !). Délire incontrôlé de fureur vengeresse, ou bien miraculeuse offrande de l’espace à la lumière ?

Certains diront qu’il faut en ces circonstances se garder de tout anthropocentrisme, et que la notion même de gigantisme est étrangère au phénomène. Mais pourquoi devrions-nous fermer nos yeux humains devant les spectacles de la Nature et du Cosmos ?

Et « l’objectivité » n’est-elle pas elle-même anthropocentrique ?

Violence ou ardeur céleste ?
Quelle que soit l’intensité du feu, chacun perçoit finalement selon sa propre flamme… et l’inclinaison de son âme !

ET

PS : l’immense orage radio sur Saturne n’est pas encore fait l’objet d’une publication, et j’espère que mes collègues radioastronomes du LESIA me pardonneront cette divulgation intempestive… Quoi qu’il en soit, je plaide non coupable : personne ou presque ne lit ce blog ! 😉 Et comme dit l’autre : si ça sort d’ici, je saurai que c’est vous !

2 thoughts on “Des orages radio sur Saturne”

  1. En tout cas moi je lis ce blog,
    Et je vais tout raconter à la presse et aux RG lol
    Vous verrez ce que c’est un orage radio pour de bon hihihi

    mais non bien sûr. Par contre est ce que vous aimez la sensation juste avant un orage, moi je ne sais pas pourquoi mais j’adore. Il y a une espèce d’humidité dans l’athmosphère, je dirais même de fraîcheur, mmm…je dois être malade! C’est peut être parce que j’ai connu des orages en montagne, je trouve ça majestueux.
    Mathieu

  2. Oui, Mathieu, je suis d’accord. J’aime aussi cette impression. Quelque chose qui nous saisit et nous ramène à une forme d’authenticité immédiate. On sent que « la Nature va parler », et on est disposé à l’entendre. Quelque chose s’arrête en nous, nous rend disponible. Il peut y avoir parfois une certaine crainte aussi, comme lorsque on est en mer en Méditerrannée et que le ciel devient subitement noir, frais, humide, électrique. Mais cette forme de crainte est accompagnée de son propre antidote, comme si elle était déjà surmontée. C’est qu’il se mêle toujours à ces instants en suspens ce que je crois être un profond respect. La majesté, comme vous dites…

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